14/11/2014

Cosmos et améthyste

Le soleil se transformera un jour en géante rouge; ce jour là, la terre disparaitra. 

Cette phrase comme énoncé d'une de mes angoisses du passé, quand avant de m'endormir je lisais le Big Bang raconté aux enfants. C'était un des chapitres de mon Encyclopédie de la Vie. Cette lecture eut sur moi à cette époque comme résultat de déclencher des interrogations sidérales. Mon esprit étant incapable de pousser plus loin la compréhension de notre existence, il s'en est suivi une intranquillité qui ne m'a jamais vraiment quittée. 

L'enfant fille que j'étais, laquelle ne cessait jamais de se poser des questions et de questionner son monde, ne put pourtant pas accéder à un chemin scientifique. Par manque de capacités peut-être, mais aussi parce que l'école républicaine française dont je suis un pur produit, décréta rapidement que j'étais mauvaise en sciences mais heureusement douée en matières littéraires.
Collée à mon genre j'achevais donc mon lycée dans une classe de 33 filles sur 37 élèves. De là à y voir un conditionnement, il n'y a que quelques millimètres.

Je n'ai donc jamais rien approché de la science du cosmos que sa vulgarisation, ses légendes et ses constructions fictives. En ces jours où l'Agence Spatiale Européenne fait atterrir un robot sur une comète à 510 millions de kilomètres de la terre, mes questions et ma frustration refont surface en arrêtes stridentes.
Contrairement à l'univers nos esprits ont leurs limites. Le mien se heurte à l'incompréhension de la raison de notre existence. 
Sommes nous des accidents, le résultat d'une volonté extérieure, la mort est-elle comme "tomber" dans le vide spatial ou comme un sommeil noir et éternel, y a t-il quelque chose après, devons nous croire, pouvons nous croire, croire en la science est déjà un départ non? mais est-ce suffisant? Si l'univers est en expansion pouvons nous espérer que notre connaissance et notre sagesse le soient aussi tout en nous éloignant toujours davantage de la réponse?

Ces circonvolutions de mes connecteurs cérébraux déclenchent encore parfois des sensations étranges, comme regarder dans un miroir qui regarde dans un autre miroir. Cela fait parfois peur, parfois cela fait rêver; je suis consciente de ma propre gravité.
En boulimique de compréhension et de déconstruction, je perds parfois le fil.
Je me mets à juger, à craindre, à ne plus aimer, à rejeter avec pour seule arme ce que certains qualifient d'arrogance et que d'autres perçoivent comme du mépris teinté de sarcasme. Nous sommes nos propres énigmes, en résonance à nos relatives complexités. Nous devons peut-être ne rien attendre mais continuer de chercher en acceptant le risque de notre éventuelle déception. Comme Hubert Reeves le dit, "il faut bien avouer que malgré toutes nos découvertes, nous ne savons rien". Ce n'est malgré tout pas une raison pour le contentement. Ne jamais cesser d'interroger est sans doute le gage d'une éternelle jeunesse de l'esprit et ce grand astrophysicien en est un magnifique exemple. 

Pourtant nous sommes à l'âge sociétal de la répression et du retour à la morale construite au moyen-âge.
Comment pouvons nous en même temps atteindre une comète lointaine et nous retrouver face à des esprits aussi étroits que ceux qui manifestent pour que les filles restent roses et les garçons restent bleus? Nous vivons une société à deux vitesses qui semblent bien incompatibles. 
Nos esprits ne sont pas des robots, nous ne pouvons pas les lancer sur une sonde en espérant qu'ils touchent la connaissance et des découvertes fondamentales. Alors quand regarder en plein dans notre propre accélérateur de particules fait peur, on se jette à corps défini dans des certitudes surannées et rassurantes. Rien ne dépasse, pas de miroir dans un autre miroir. 

En réponse, il reste nos cosmos personnels où se réfugier quand l'extérieur devient trop âpre. 
Le mien est formé de flocons de neige et de paillettes, de connexions arborescentes. 
J'y évolue au coeur d'une forêt de quartz, pas à pas, doucement en effleurant les arbres. Caresser la pierre, sentir son froid, sa matière, entendre sa couleur et chercher les branches; le bois de cristal et ses rayons.
Mon âme se cultive dans un sol minéral, le regard pointé vers les étoiles. 



    

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