29/11/2011

De l'amitié homme-femme ou comment contourner les lois de l'attraction éventuelle

Il n'est pas dans mes habitudes ici de faire ma "Carrie Bradshaw" et je dis bien ici dans la mesure où dans ma vie quotidienne d'hétéro, la question peut revenir souvent comme un boomerang qui se serait trompé de trajectoire. Après avoir soulevé le sujet régulièrement avec plusieurs ami-e-s, j'ai décidé de me pencher sur cette question qui revient à essayer de faire rentrer un carré dans un rond; et je dis ça sans peser l'expression. Je n'ai pas à proprement parlé d'avis tranché sur le sujet mais il faut bien l'avouer, même si ce genre de questionnement ne devrait pas dépasser l'adolescence tardive on est tous assez nombreux à afficher un sourire narquois quand une amie nous répond: "non non on est juste potes!" et ça après l'avoir questionné sur la nature intrigante de sa relation avec ce gars avec laquelle on la croise tout le temps et avec qui elle s'empresse d'aller boire des verres en plein milieu de l'après midi. Je suis d'ailleurs la première qui régulièrement rétorque le "on est juste amis", car j'en ai beaucoup des amis hommes avec lesquels il ne s'est pas forcément passé quelque chose. Car oui, souvent on peut passer par cette phase de dragouille vaguement maladroite ou par une nuit ratée pour se rendre compte que non, on n'a rien d'autre à partager hormis des bons moments et de longues discussions. Ici la loi n'est pas mathématique, parfois il ne se passe rien et il ne se passera sans doute jamais rien et même si l'idée peut nous traverser l'esprit, entre le moment où elle traverse nos neurones et celui où elle devient consciente, on l'a en général déjà oubliée en ayant commandé le verre suivant. Pourtant il serait, j'imagine, totalement hypocrite de ne pas avouer que cette question passe dans nos têtes régulièrement quand on rencontre quelqu'un du sexe opposé et d'autant plus si on est célibataire et qu'on a bien intégré ce que la société attend de nous: trouver une personne, se plaire, mettre en marche un projet commun, l'introduire à notre cercle de proches, l'introduire à notre famille, emménager ensemble, planifier des vacances un an à l'avance, planifier un mariage, une progéniture, une voiture, un chien ou un chat, être heureux...ou pas. A ceux qui me répondrait qu'il s'agit de problématique de trentenaire féminine, je m'insurge d'avance. C'est certes vrai mais aussi totalement faux. Super, pourquoi? Parce que j'en discute régulièrement avec des personnes de tout âge et tout sexe confondu et la seule donnée qui revient toujours c'est que personne ne veut être seul et ce, quelque soit la géométrie que l'on veuille donner à sa propre définition de la "relation". 
Alors commence les montagnes russes des rencontres, des échanges saugrenus, des fin de soirées alcoolisées, des problèmes de timing- "je ne suis pas prête pour l'instant"- des phrases attendues ou non, " je tiens à toi mais pas de cette manière là" "tu voudrais pas me présenter ta copine Joséphine?" ou alors il ne se dit rien, ne se ressent rien ou simplement rien d'autre que "c'est vraiment chouette de passer du temps avec toi, on va au cinéma voir ce documentaire sur le village de toxicos anglais où ils sont tous déglingués de père en fils et tous vaguement consanguins?" Un beau moment de rigolade en perspective. Et voilà, tu bois des cafés en après midi avec cet être en face qui te ressemble un peu, avec lequel tu peux parler de tout ce qui t'est intime, qui est un garçon, qui lui aussi attend des choses de sa vie mais avec lequel tu ne seras pas l'architecte du projet commun. Et c'est très bien! Parce qu'avec ce genre de relation tu te retrouves à faire des choses que tu ne ferais jamais avec un mec qui t'intéresse ou si peu. Pour exemple, je vais nager avec un de mes amis homme plusieurs fois dans la semaine et je me contrefiche qu'il me voit en maillot speedo avec un bonnet en silicone sur la tête. Une fois que tu as dépassé ce genre de limite de l'intimité, tu passes plus de temps à comparer ton crawl au sien plutôt que de chercher à rentrer ton ventre. Dans le même ordre d'idée, le week end dernier je suis allée à une de ces fameuses soirées organisées par mes amis au balcon du D club. Je m'y suis retrouvée avec un homme que je trouve charmant mais avec lequel j'ai développé une forme de début d'amitié et il se trouve que nous sommes voisins. Au moment où il me dit qu'il part je décide de rentrer avec lui car depuis mon agression il m'est difficile de marcher à 4h du mat' seule dans la rue. Là il me dit: " Ok je te raccompagne mais ça te dit qu'on aille faire un footing?" Et là saucisse comme je suis je dis oui. Résultat je me retrouve à courir 10 kilomètres, oui oui 10, entre 4 heures et 5 heures du matin. A l'arrivée il n'était plus du tout question de séduction éventuelle mais d'une douche et d'un sommeil bien mérité. Quel fou rire de faire un truc aussi absurde, de croiser des gens qui rentrent de soirée et qui te regardent comme des aliens. Et puis bon c'est efficace car tu penses beaucoup à l'autre pendant les jours qui suivent quand même descendre un escalier revient à t'enfoncer des couteaux dans les cuisses à chaque marche. Tordu comme drague me direz-vous? oui mais non car ce n'était pas un processus de séduction, juste un pari avec quelqu'un de drôle et de timbré sans recherche de bénéfice. Enfin je crois...c'est ça le problème avec cette question insoluble, on n'est jamais sûr de rien. 
Peut être que certain d'entre vous on le sentiment d'avoir tranché dans le vif depuis longtemps. L'ami avec lequel je vais nager a beaucoup d'amies filles avec lesquelles il ne s'est jamais rien passé, je le questionnais d'ailleurs sur le sujet il y a peu en lui demandant si il n'avait jamais eu affaire à des moments ambigus ou des sentiments confus et avec assurance il m'a répondu: " Non, moi tu sais, je classe dès la rencontre, amie ou petite amie potentielle, une fois le classement effectué je ne reviens jamais en arrière, je me tiens à cette décision et n'en démords jamais". Je fus soufflée par autant de certitude et aussi impressionnée au final. Je ne pense pas être capable de faire ce genre de procédure mentale, je suis d'ailleurs celle que mes amis appellent un "cœur d'artichaut", celle que mes amis regardent avec amusement mêlé à la consternation quand je tombe amoureuse à tous les coins de rues.
On est sans doute aussi assez nombreux à avoir testé le "sex buddy" ou le "friend with benefits" aka "le sous marin"; bon qu'en dire à part que c'est soit totalement insipide (la plupart du temps) soit foncer dans un mur avec une BMW, car certes on s'amuse un moment mais au bout d'un certain temps comme dans toute forme de relation, l'ennui s'installe; ou alors on développe des sentiments et là ils sont rarement partagés...là non plus je ne vois pas de solution et même si tu multiplies les passades pour ne pas tomber dans la monotonie, dans un village comme le notre, tu finis par avoir des nausées en traçant la toile qui relie toutes les personnes ayant partagé la même aventure que toi.
Alors...? les relations humaines ne sont jamais simples, pour tomber dans un cliché laid. Et quelque soient les intérêts que tu recherches, tu finis toujours par te raccrocher à l'amitié car elle est plus intense, plus solide, plus réelle. Elle n'est pas confinée dans une attente, elle ne demande rien de plus qu'un peu d'entretien. Peu importe les phases par lesquelles tu passes, je pense sincèrement que cette forme de relation est possible entre un homme et une femme car j'en fais l'expérience au quotidien.
Et quand bien même ceci n'engage que moi, je continue de tendre vers ce fameux projet commun qu'on nous a inculqué comme but dans la vie.  Mais tant que je peux boire des cafés dans l'après midi, je ne suis pas seule et je noie les lois de l'attraction dans mon renversé.

27/11/2011

De l'entrainement et de la répétition ou aurais-je pris de l'âge?

Ce week-end a eu lieu la soirée censée être LA SOIREE de l'année. Au départ il n'était pas question pour moi d'y aller mais finalement la curiosité m'a emportée et j'y ai atterri comme un vieux satellite au milieu d'une plaine du Kazakhstan. J'ai donc mis les talons pour la première fois de ma vie dans le cinéma porno local, "le Moderne", transformé pour l'occasion en lieu noctambule et festif et certainement pour la première et dernière fois de sa vie en "place to be" hype-cool. Résultat des courses, je n'ai fait qu'en entrer et en sortir - ce qui était "la thématique de la soirée" comme l'a si finement et bien remarqué mon amie Astrid- afin de fumer des cigarettes sur le trottoir; là il y aurait encore sans doute quelque chose de drôle à noter mais je laisse votre imagination seule juge.
N'ayant pas bu de "Pornsecco" de la soirée, il m'a peut-être manqué l'outil qui m'aurait éventuellement permis de m'amuser un peu. Heureusement mes amis fidèles à leur capacité d'observation n'ont eu cesse de relever le comique de la situation et m'ont permis de bien rigoler quand même. Il ne s'agit pas pour moi de vouloir détruire les velléités festives des organisateurs de l'évènement mais plutôt de me demander si après toutes ces années de vie nocturne bien entrainées, je ne suis pas tombée dans le côté obscur de la nuit, c'est à dire l'ennui de la répétition. À priori, organiser une soirée dans un cinéma porno aurait du me paraître joyeusement décadent et intriguant...mais voilà; je ne trouve rien de comique aux besoins organiques humains. Je ne suis pas prude mais transformer ce que j'ai toujours trouvé vaguement glauque en ressort festif me parait vain. Pourtant les petits plats avaient été mis dans les grands (là je me rends compte que tout peut être interprété de travers, comme nous l'avons fait hier soir); des créatures déambulaient autour de nous dans un mélange savant entre le carnaval de Rio et celui de Moudon. La salle du bas avait été vidée de ses sièges afin de laisser la place aux danseurs et aux DJ's, celle du haut transformée en lieu de projection porno-expérimental from l'ECAL. Des masques et des plaquettes avec les noms de stars du porno étaient distribués à l'entrée et le lieu était blindé de toute la petite foule lausannoise sur son 31 festivo-décadent. La musique était accessible et dansante et une boule à facette humaine surgissait de temps en temps laissant transparaitre l'image du "Fantôme de l'opéra". Sans oublier les cabines de projection accessibles grâce à la petite somme de 1 franc. Dans toute cette excitation somme toute assez "vaudoise" je me suis rendue compte que j'avais vieilli en observant la faune qui m'entourait. Je n'avais pas réalisé qu'autant de jeunes éphèbes apprentis artistes avaient la même coupe de cheveux par exemple, laissant montrer une forme d'individualité selon le côté de leur mèche sur le front, je n'avais pas remarqué que les gens s'ennuient autant dans leur vie pour trouver excitant de voir en split screen ou dans des cabines privées ce qu'ils n'oseraient jamais avouer regarder, je n'avais pas noté que certains DJ existaient encore ni que les mini jupes à froufrous se vendaient après 1992... ni que je trouverai désespérément absurde de chercher des toilettes "femmes" dans un cinéma porno...
Suis-je alors totalement blasée ou juste un peu fatiguée? Il y avait quand même un peu de magie dans les yeux pétillants de mes amis déguisés, dans ce cadre ils pouvaient effectivement se permettre des faux seins et des perruques ou quand le travestissement devient une prise de position esthétique et belle. Mais hormis ces belles apparitions que je qualifierai de poétiques et douces, le reste m'a paru morne et volontariste. Je ne cesse de répéter sur ce blog combien j'aime mes soirées entre amis, et malgré l'entrainement que j'en ai, leur répétition ne m'ennuie jamais. J'ai simplement réalisé hier soir qu'elles dépendaient totalement du cadre et que si les soirées "zaza" me paraissaient dingues il y a 10 ans, j'avais moi aussi pris ces 10 années, aspirant à autre chose qui ne se situe plus vraiment dans des extrêmes provocateurs. Je ne pense sincèrement pas être devenue une "vieille conne aigrie" je suis simplement désinhibée par rapport à ce qui me fait plaisir et m'amuse et je n'ai finalement pas besoin d’atterrir dans un cinéma porno pour me le permettre. J'imagine que cet évènement fut une réussite, organiser des choses est bien moins facile que la critique est aisée; pourtant cette "Grande Zaza" fut pour moi révélatrice d'une chose que je sentais déjà, j'ai besoin de poésie et d'images qui me racontent quelque chose ou qui m'envoient ailleurs... hier soir j'étais bel et bien sur place à agrémenter mon petit journal d'observation privé, je suis une machine de second degré dont les yeux fonctionnent comme des appareils photographiques. Je ne dis pas grand-chose, j'enregistre, souris (ou pas), imagine, déconstruit et laisse mon amie terminer avec talent les phrases que je commence. À part peut-être ici, où le moyen de l'écriture me permet de donner corps à ces images et ces pensées. Ce fut donc finalement une bonne soirée, car elle m'a permis de confirmer des sentiments et d'apprendre ou de comprendre à nouveau un peu plus sur ce qui me constitue. Et j'ai trouvé cet endroit très propre contre toute attente...voilà une nouvelle boutade vaudoise...un cinéma porno comme lieu de divertissement...? peut-être...je ne vois pas de chute à cet article...à part éventuellement celle des clients habituels qui ont du trouver bien étrange cet évènement ou celle de cette veille figure locale qui a du rester perchée sous LSD criant à l'entrée "mais laissez-moi entrer!" portant un gilet phosphorescent pour enfant du haut de ses cinquante ans approximatifs...En écoutant mes amis et en observant tout ça, il m'arrive alors de penser que seul le comique de situation nous permet de nous échapper et de trouver notre liberté dans cette réalité plus ou moins convenue se souhaitant pourtant inconvenante.  
 

26/11/2011

Black Out ou noir c'est noir il n'y a plus d'espoir...?

Black Out, nouvelle création de la compagnie Philippe Saire est à voir sans faute, sans détours, sans attendre; à voir et à ressentir, à interpréter, à questionner... 40 minutes suspendues pendant lesquelles le spectateur prend place autour d'un cube et se penche à une barrière pour assister au spectacle. Au fond de cet espace, la scène, les trois danseurs, une lumière tout d'abord blanche et crue sous laquelle les dimensions sont gommées. Les danseurs allongés évoluent le visage caché par leurs bras comme si la lumière les aveuglait; ce qu'on pourrait prendre pour une scène de "plage" de "farniente" se transforme progressivement, il y a une espèce d'angoisse en suspend qui vient prendre vie lorsque tombe du ciel des nuages de matière noire. Les corps vont alors reprendre forme, les visages aussi et l'on va glisser vers un contenu plus dense, plus trouble dans lequel se dessinent plusieurs enjeux que seul le spectateur va décoder s'il le veut. J'aurai tendance à dire que toute interprétation est possible, je vais donc ici tenter de vous livrer la mienne. 
En assistant à ce spectacle je suis tombée dans un mauvais rêve éveillé, une sensation qui tendait vers l'infini où plus aucune forme d'espoir n'était permise. Comme la mort d'un soleil, le chorégraphe nous entraine vers notre espace sombre interne. On pense à "Melancholia", aux nuages de cendres de "The Road" mais aussi au "dark passenger" au "chien noir" de Churchill; Philippe Saire mélange une fin du monde avec une fin de soi et c'est dans ce ricochet thématique que réside la qualité de cet objet scénique. Tout ceci nous entraine dans un magma de négation. Plus se dessinent les corps et plus les danseurs gravent sur le sol par leurs pas à travers cette matière noire; plus il y a négation. Ce négatif révèle nos peurs et nos cauchemars, ils prennent de l'amplitude par les mouvements des danseurs. Leurs corps aimantent cette poussière noire afin de ne laisser qu'une image brute et multidimensionnelle, il s'agit alors de faire l'expérience intime de la fin de notre monde aussi bien interne qu'extérieure. Reste le sentiment vertigineux de l'expansion de l'univers, de l'infini; ce moment où notre pensée s'enchainant, il n'y a plus de fin mais, peut-être a-t-on envie de l'imaginer, une suite ou une renaissance éventuelle.
Le noir, addition de toutes les couleurs de notre prisme chromatique, le noir comme révélateur de nos peurs primales, le noir comme outil poétique et symbolique ultime; le noir comme une nouvelle lumière sur notre existence, comme un nouveau contenant.
Pour qui veut alors faire cette expérience bien plus agréable que ces mots peuvent le laisser transparaitre, je ne saurai que trop conseiller d'aller voir ce spectacle à l'affiche du Théâtre Sévelin 36 jusqu'au 11 décembre 2012, afin d'en faire son interprétation personnelle et de pouvoir la partager à l'issue de ces 40 minutes intenses et émouvantes. 




22/11/2011

Se protéger ou de la problématique de l'éponge

Voilà bien longtemps que je n'avais pas laissé les mots se bousculer pour faire un texte. Mais voilà il y a des périodes où tout se précipite et prendre le temps de faire le tri paraît être un luxe qu'on ne peut pas prendre. Pour ne surtout pas faire court, ses deux dernières semaines ont été particulièrement encombrées voire "Hardcore. L'endroit où je travaillais est le théâtre d'une tragédie grecque depuis plusieurs mois, et il y a deux semaines de ça, l'intrigue a atteint son paroxysme tragique et dans une telle situation même Freud en aurait perdu son latin (ou son grec). Il a donc fallu réagir, gérer, entourer, protéger; tous les personnages de l'histoire se sont retrouvés dans un véritable "boot camp" quasi syndicaliste pour les uns, wagnérien pour les autres. Si notre Pologne a été envahie, la guerre n'est pas terminée et la pièce n'a pas fini de dérouler ses actes qui s'écrivent au jour le jour. Pour quelques uns d'entre nous la pièce est achevée, mais pour les personnages principaux le dénouement paraît encore bien loin. Nous en sommes tous spectateurs à présent et attendons la conclusion avec impatience. De cette manière, les personnes que nous aimons et qui se retrouvent piégées dans une intrigue mal écrite, pourront peut-être enfin changer d'auteur et recommencer une nouvelle histoire bien loin du répertoire tragique. Il y a quelque temps de ça, j'écrivais que prendre soin de moi me permettait de prendre soin des autres; j'en ai fait l'expérience empirique ces dernières semaines et il a m'a fallu échapper à un de mes travers les plus polluant, faire l'éponge. Car non, ma peau n'est pas imperméable malgré les kilomètres de piscine que je fais chaque jour, les gouttes de problème des autres passent mon épiderme et me rendent nauséeuse. Les personnes que je croise et qui ne me connaissent pas estiment souvent que je suis froide, hautaine et désagréable...ils ont souvent raison d'ailleurs, je n'aime pas particulièrement mon prochain, ou du moins j'aime les personnes que je choisis d'aimer et les causes pour lesquelles je choisis de me battre. Sans mettre cette barrière sociale, j'ai tendance à récupérer des choses que je ne veux pas et qui me font mal. Ainsi l'auto protection est devenue un de mes sports favoris, j'en ai établi mes propres règles et essaie de les appliquer tant bien que mal. Pour mes amis, je me battrai toujours, pour une certaine justice sociale, je me battrai toujours; pourtant chaque jour mes beaux principes sont mis au défi. Dans le brouillard épais de ces deux dernières semaines, j'ai quand même pu fêter mon anniversaire dans une certaine joie, j'ai été gâtée et grâce à mes amis, nous avons pu faire une parenthèse comique et heureuse pendant quelques heures. Mais voilà quelques jours plus tard, alors qu'avec mon amie et voisine nous rentrions d'un repas, nous nous sommes faites agressées dans la rue par trois personnes particulièrement vindicatives. Mon sac me fut arraché, mes affaires jetées à la gueule pour finir au milieu de la route, puisque rien de son contenu n’intéressa mon agresseur. La suite est logique, appel aux flics, 3heures à l'hôtel de police, reconnaissance de l'agresseur derrière une vitre sans tain, apprendre qu'il n'a en fait que 18 ans et vient du Congo et qu'il est connu des services, s'entendre dire par le flic que les ressortissants d'origine africaine ont développé une résistance physique au spray au poivre et que ça ne sert pas forcément à quelque chose de s'en servir et terminer cette soirée raccompagnées dans une voiture de patrouille chez nous, dans les larmes, le choc et le rire mal à l'aise, ne sachant plus à quelle justice sociale se vouer; les principes ébranlés, essayer de comprendre notre malaise et nous endormir dans un brouillard mental bien décidées malgré tout à ne pas changer notre regard sur le monde qui nous entoure et à ne pas marcher le soir la peur au ventre, un nouveau défi. Quelques jours plus tard un ami m'a envoyé un lien pour regarder le reportage de l'émission "Temps présent" intitulé "les dealers ont pourri mon quartier"... ce reportage est terriblement mauvais et ne sert à rien, il n'explique rien, est putassier et voyeur et décrit notre quartier comme s'il s'agissait d'un arrondissement de Paris, alors qu'on vit à Lausanne les gars! Et puis le terme "pourri" est particulièrement intéressant et paraît ne choquer personne ou presque..."pourri"...voir l'autre comme une pourriture potentielle...même victime d'une agression je ne peux cautionner un tel vocabulaire. Même vaguement misanthrope, je ne peux accepter un parti pris aussi extrême. Il revient à accepter certaines idées politiques violentes, il revient à rejeter toute tentative de compréhension, il revient à me placer dans la peur et je le refuse. Il revient aussi à oublier le principe économique de base de "l'offre et de la demande"... J'en reviens donc au thème de mon post, se protéger sans faire l'éponge, défi personnel large, bataille d'une existence, ambivalence du regard porté sur ce qui m'entoure et sur les acteurs de nos histoires. Je n'ai pas de réponse, pas de conclusion. Afin pourtant de terminer ma pensée aujourd'hui j'emprunterai les mots de Shakespeare dans le "Songe d'une nuit d'été" et de son  personnage Puck:
"Si nous, légers fantômes, nous avons déplu,
Figurez-vous seulement (et tout sera réparé),
Que vous avez fait ici un court sommeil,
Tandis que ces visions erraient autour de vous.
Seigneurs, ne blâmez point
Ce faible et vain sujet,
Et ne le prenez que pour un songe :
Si vous faites grâce, nous corrigerons.
Et comme je suis un honnête Puck,
Si nous avons le bonheur immérité
D'échapper cette fois à la langue du serpent [Les sifflets.],
Nous ferons mieux avant peu,
Ou tenez Puck pour un menteur.
Ainsi ; bonne nuit à tous.
Prêtez-moi le secours de vos mains si nous sommes amis
Et Robin vous dédommagera quelque jour.
(Il sort.)"
Ainsi, quelques soient les intrigues, spectateurs ou acteurs, l'histoire se poursuit; je ne m'indigne pas, je dysfonctionne seulement de façon auto apprivoisée face au monde...mais pas tout le temps.

07/11/2011

Prendre soin de soi et des autres ou les joies de la vie aquatique

Pas de cinéma aujourd'hui à part celui que je fais dans ma vie quotidienne, osciller entre le bagou bien pointu à la française -je parle de la forme et non du contenu- et la timidité vaguement mal à l'aise voire antipathique. Une ambivalence qui a bien rythmé mon week-end, bien chargé encore une fois. J'ai tout d'abord été tester une soirée "Avracavabrac". Pour ceux qui ne connaissent pas, il s'agit de soirées d'improvisation théâtrale où les thèmes tirés au sort sont proposés par le public. Je suis invitée à peut-être participer aux prochaines, du coup je suis allée voir tout ça depuis les coulisses. Et bien je suis très motivée à l'idée d'essayer, histoire de renouer avec les rouages un peu rouillés de mon premier métier et de passer un bon moment avec une équipe très soudée et très chaleureuse. J'ai passé un très bon moment à les observer et à les écouter s'amuser  à divertir un public conquis. Et même en coulisses, ils n'arrêtent jamais, c'est donc non sans légère angoisse que je vais aller participer à leur prochain entrainement pour voir si j'arrive à tirer quelques réflexes comiques de ma carte mémoire interne. Je suis ensuite passée à la soirée "Podium"organisée mensuellement par mes amis au balcon du D' club où j'ai pu observé d'un œil amusé et silencieux des filles et des garçons remontant soit leurs jupes soit leur t-shirt dans des danses de séduction très printanière malgré la saison. Mes amis savent vraiment bien chauffer l'ambiance et en tant qu'apprentie "passeuse de disques" j'ai beaucoup à apprendre d'eux. J'ai dû aussi le cœur serré, dire au revoir à une amie chère qui repartait chez elle en Russie, ce qui fut un moment difficile et triste car cela voulait dire la fin des "shnookies" dans la cuisine, elle saura de quoi je parle. Le lendemain fut un grand jour car grâce aux mains expertes d'un génie de la coiffure, je me suis transformée le temps d'une soirée en pseudo Madonna pour aller mettre de la musique avec ma chère Mary Chantie au café Saint-Pierre. Soirée pendant laquelle, dans une sobriété qui me caractérise totalement, j'ai fini par danser sur le bar en essayant d'imiter "Hung Up". Rires, danse, et échanges en tous genres ont encore totalement rythmés ces 48 heures. Tout ça pour en venir au titre de mon post. Depuis quelques semaines maintenant, j'ai repris ma vie en mains en quelque sorte, non pas qu'elle n'allait pas avant, mais elle tourbillonnait un peu dans tous les sens comme une mouche qui en essayant de sortir, se prend perpétuellement la fenêtre...Et pour ça il m'a fallut passer par des moments assez flous et surtout passer par la piscine. J'ai ressorti mon maillot du placard et tout l'attirail qui va avec et je suis retournée faire des longueurs. Ce fut difficile au début mais j'ai vite retrouvé les vieilles habitudes de nageuse, celles où tu finis par avoir l'impression de glisser totalement dans un liquide presque huileux, ou, le bonheur de nager malgré l'accoutrement à la limite du ridicule qu'implique ce sport. Le bonnet sur la tête qui donne à n'importe qui l'air d'un spécimen de laboratoire, les toutes petites palmes, la planche, le pull buoy, le maillot avec écrit "endurance" sur le côté; le tout sponso Speedo. Sans oublier les lunettes qui malgré 1000 essayages te laissent ces marques très "poisson globuleux" pendant des heures autour des yeux. Comme ça il est difficile d'imaginer que ce sport puisse être le plus salvateur qu'il m'ait été donné de pratiquer, et pourtant, c'est presque chaque jour à présent que je vais faire mes petits kilomètres. Je commence même à connaître d'autres nageurs invétérés avec qui j'échange des mots, des conseils et même des coups involontaires dans les lignes quand on gère mal notre espace et notre vitesse. Mais voilà quand tu ressors, c'est un cliché crasse, mais tu es content et quand tu as des courbatures, tu es heureux!
Renouer avec ce sport fut l'occasion de renouer avec moi-même, l'eau comme "contenant" de mes doutes, me permettant tout en traversant ce bassin, de faire le tri dans ma tête. De cette eau chlorée, je suis ressortie avec une ligne, certes encore un peu sinueuse, mais une ligne de conduite me permettant de me poser de nouveaux défis pas seulement sportifs. Retourner sur une scène en est un. Rencontrer de nouvelles personnes sans donner l'impression d'être un iceberg en est un aussi. Trouver un travail en rapport avec mes 3 dernières années d'études en est un autre. Reprendre une forme de confiance, trop longtemps embourbée et réapprendre à m'amuser sans petite caméra dans la tête. Ne plus m'observer tout en analysant n'importe comment la moindre petite situation vécue ou phrase prononcée. Et prendre soin de mes amis en prenant enfin soin de moi. Enfin je crois... rien n'est jamais immuable, l'eau est un "contenant" mouvant, nos humeurs le sont aussi. Notre cerveau n'est d'ailleurs pas toujours apte à les conduire de façon appropriée. Quoiqu'il en soit, à l'aube de mes 33 automnes et après un petit passage très mal dosé (comprendrons les inventeurs de cette expression), je me retrouve là, dans un espace public, à exposer mon espace intime, à essayer de trouver une liberté dans un cadre ou comment faire rentrer un carré dans un rond. Ce blog, c'est un peu comme la piscine, des longueurs de mots dans un bassin-page.

03/11/2011

"Un monde discret" dans l'objectif ou dans le viseur?

La semaine dernière j'ai pu assister à l'avant-première d'un long métrage réalisé par mes amis Stefania Pinnelli et David Deppierraz; "Un monde discret", au City club de Pully. Je me pose alors une première question, le fait que ce film ait été réalisé par des proches et le fait que j'y ai participé un tout petit peu m'enlève-t-il toute objectivité quant à mon appréciation de ce travail? Sans doute pourrait être ma première réponse, toutefois c'est après avoir lu la critique de M Antoine Duplan dans le supplément du Temps-lequel lamine tout bonnement et simplement ce travail- que je me suis reposé la question. Du coup, j'ai bel et bien envie de développer un peu plus sur la thématique de l'objectivité critique. Je vais tout d'abord situer le film. Voilà 8 ans que mes amis travaillent dessus avec pour idée de départ d'assembler 3 courts-métrages afin d'en faire un long. Une idée germée un matin par une phrase simple au premier abord, "tiens si on faisait du cinéma". Bien qu'artistiquement actifs, ni David ni Stefania ne viennent à la base du milieu du cinéma mais chacun aime à sa manière conter des histoires. C'est donc en partant d'un pari un peu fou qu'ils s'y sont mis avec le cœur et on appris au cours de cette aventure la difficulté d'un tel pari. Mais le désir toujours vaillant, ils ont su en s'entourant de personnes qui leur ont fait confiance, parvenir au bout de cette envie. Eux-mêmes avouent que le film s'est construit sur une route sinueuse, telles que peuvent l'être 8 années de vie, mais en mettant un point final à cette histoire, ils ont mis aussi un point symbolique à une boucle comme celle que l'on peut décoder dans leur scénario mis en images. En effet, ce film raconte l'histoire d'un homme en quête de son point de départ, quête insufflée par le fantôme de son frère défunt qui lui apparait alors qu'il vient passer du temps dans la maison familiale désertée depuis longtemps. C'est ainsi grâce à ce fantôme que le personnage, lui-même écrivain, mettra un point final à son histoire, celle de son passé mais aussi celle de son présent tout en pouvant entamer celle de l'avenir. La boucle se referme alors, niant l'existence même d'une temporalité définie, comme en écho au travail des réalisateurs. La force de cette histoire, c'est que nos origines quelles qu'elles soient se mélangent sans cesse à notre présent et à notre avenir, nous vivons nos vies dans une boucle en expansion infinie. Le message de ce film pourrait alors paraître simple, pourtant de mon point de vue il ne l'est pas car il est sans fin, et quoi que de plus complexe que de mettre en image quelque chose d'infini. Les plus grands s'y sont essayés, Kubrick avec " 2001 l'Odysée", Malick avec "The tree of life" et à contrario mais mobilisant les mêmes questionnements, Von Trier avec "Melancholia". Les plus grands oui, avec des images grandioses, des musiques immenses, des acteurs magnifiques et des productions à leur échelle. Un cinéma produit pour un public averti et très large dont je suis la première à faire partie et à savoir en apprécier le contenu aussi bien que la forme. "Un monde discret", lui,  comporte dans son titre le moteur de sa production et de sa distribution , "discret". Pourtant il s'agit bien d'un monde mis en images avec talent, découpé avec tact et éclairé avec finesse. Bien sûr le film comporte ses limites, dans les dialogues parfois, certes, les performances des acteurs peuvent sembler inégales peut-être...bon et alors où me mènent ces mots?
Et bien au début de ma boucle réflexive; l'objectivité critique. Je ne peux cautionner que l'on ne salue pas le travail de mes deux amis, je ne peux cautionner que l'on qualifie leur film de "peste" et qu'à côté de ça on encense un film certes sublime dans sa forme mais inutile dans son fond tel que "Drive". Je ne peux cautionner que l'on ne salue pas tout simplement un travail. Je suis consciente que les critiques professionnels comme M Duplan ont d'autres "chat à fouetter" que de saluer au moins un travail de longue haleine si tant est, et c'est son droit le plus absolu, il n'a pas aimé ce film. Toutefois je me retrouve toujours un peu confuse devant le traitement réservé aux films suisses dans la presse de leur pays d'origine. Soit cela passe totalement inaperçu, soit cela crée une polémique. À noter qu'il vaut mieux pencher vers le documentaire plutôt que vers la fiction si l'on veut faire parler de son travail dans ce pays... Car ce que j'ai lu dans "Sortir" n'est pas une critique, c'est une paresse; il fallait bien dire quelque chose alors autant se défouler. Critiquer est un travail que je n'exerce pas et on me rétorquera sans doute que je ne peux pas le comprendre. Malgré tout il me semble que, même en quelques lignes, on peut faire ressortir les atouts et les failles d'un travail sans pour autant le détruire avec autant de véhémence; car après avoir lu les mots de M Duplan, ce qui me vient à l'esprit c'est "chic un film suisse, on va pouvoir enfin se lâcher sans trop se donner de mal". Et malheureusement cette petite phrase dans ma tête revient souvent quand je lis certaines lignes sur des films locaux, et tous ne sont pas faits par des amis, loin de là. Je suis simplement fatiguée par le sarcasme perpétuel mêlé à l'acidité et à la raillerie. Il y a dans ce positionnement ontologique un refus d'ouvrir son regard, ce que j'estime être un comble pour un critique de cinéma. Cette attitude est malheureusement bien trop en expansion, et ce processus de lassitude est une chose contre laquelle j'espère pouvoir, quelque soit mon état de fatigue, me battre.

Pour mes références: http://www.sortir.ch/cinema/event.T.92865-un-monde-discret

02/11/2011

Un anniversaire sur un tapis de danse, "On joue à Pina Bausch?" ou "I never talk to strangers"

Après un spectacle à domicile nous sommes partis en grappe vers un lieu de répétition où il ne fut plus question de théâtre mais de danse. Il s'agissait en effet de fêter l'anniversaire de l'instigatrice de la soirée et nous avouerons tous que nous l'avons bien célébré. De nouvelles personnes se sont greffées à notre petit groupe et nous avons pu montrer nos talents de danseurs sur un rythme aussi soutenu que le passage à l'heure d'hiver a pu nous le permettre. Il me suffirait peut-être d'ajouter que l'on a bien bu et rigolé mais cela me paraitrait un peu court. Car ce qui fait le charme des soirées entre amis c'est ces petites phrases, ces discussions, ces regards, ces habitudes aussi, celles qui participent au "team building" et qui sans cesse nous relient. Je suis consciente que je fais grand cas du partage entre amis et que j'aime écrire sur ce sujet, car alors me reviennent en mémoire ce que l'on garde en commun, ces "punch lines" que l'on se remémorera à la rencontre suivante, et comme à notre habitude cette soirée en fut remplie. Malgré tout ce n'est pas là dessus que je vais axer mon post ... Nous avons d'abord commencé doucement, avec l'impression amusante de nous retrouver dans une "Boum" de nos 15 ans. En effet pour ma part, je ne connaissais pas forcément les nouveaux venus et nous avons mis du temps à nous lancer, saluant, échangeant quelques mots, présentés les uns aux autres via le fameux " tu fais quoi dans la vie"; question qui pour ma part me plonge toujours dans un abime de perplexité tant la réponse m'est difficile. J'imagine que nous sommes quelques uns comme ça à avoir des petites difficultés à expliquer nos vies de "slashers"; pour ma part comédienne/universitaire/serveuse/blogueuse rencontre toujours la question d'après: "mais t'as envie de faire quoi exactement? dans quel milieu tu aimerais travailler?" et ma réponse s'embrouille toujours dans ma tête et par ricochet dans ma bouche, du coup je change de sujet, me mets à poser des questions à l'autre pour éviter de parler de moi, ou bien je commence à faire le clown. Un des amis présent trouvait par exemple que ma robe me donnait l'air d'une hôtesse de l'air des années 60'; alors dès que j'en ai eu l'occasion, je me suis mis à jouer aux consignes de sécurité et je me suis mise à danser, encore peut-être pour échapper à d'autres questions. Ma meilleure défense a toujours été de faire mon show, déformation professionnelle peut-être. Motivés par les morceaux toujours efficaces qui passaient, nous avons tous vite rejoins la piste de danse. À ce moment là, les petites barrières internes volent en éclat et chacun y va de son pas sur l'enchainement de tubes assurés et rassurants. Ces morceaux que tu connais depuis toujours, qui fonctionnent comme un cocon et qui te permettent de faire les post-ados tous ensemble quelque soit ton âge ou ta position sociale. J'aime ces moments, comme quand tu regardes ta meilleure amie qui fête son anniversaire et avec laquelle tu te mets à danser avec tout ton cœur une chorégraphie déjà bien rodée sur "When the rain begins to fall.." puis progressivement les références se font plus nombreuses et c'est sans aucune inhibition que tu enchaines une imitation de Pina Bausch à celle de Michael Jackson. Puis là tu vas te chercher à boire et tu rencontres une nouvelle personne qu'on te présente et la conversation commence naturellement sans petit vélo dans la tête et là tu te dis que cette éventuelle timidité du début de soirée s'est totalement évanouie dans ces quelques pas de danses qui précèdent cette rencontre. Difficile pourtant d'échapper à la fameuse question , mais la réponse d'en face, pleine d'humilité et surtout d'humour, te désarçonne totalement et du coup tu prends conscience que la personne que tu viens de rencontrer n'est pas tout à fait comme les autres ou a simplement une grille de lecture différente et étrangement tu te sens plus à l'aise, l'impression d'avoir saisi quelque chose dans l'air de nouveau, quelque chose de frais. Il nous arrive tous de rencontrer des personnes avec lesquelles les choses paraissent immédiatement simples ou partagées à un certain niveau, alors tu te mets à essayer de comprendre ce qui crée cette sensation, comme un jeu d'énigme, tu décides d'essayer de creuser. Mais voilà, en voulant faire original, tu finis quand même par poser toujours les mêmes questions. Pourtant dans l'utilisation des mots, dans leur choix, tu constates ce décalage, et ce déplacement de sens devient plaisant. Quand cette personne que tu ne connaissais pas 3 heures auparavant répond à tes questions par un perpétuel mais souriant "je ne sais pas, je ne suis pas sûr, peut-être" ça peut te donner envie de jouer, un peu comme au poker, pour voir. En tout cas pour moi ça fonctionne de cette manière; ainsi quand "Light my fire" des Doors réchauffe la piste de danse et que mon interlocuteur me lâche qu'il ne comprend pas pourquoi les gens aiment ce groupe et que je lui demande pourquoi et de développer en trois mots ses raisons, il me répond : Georges/maison/voiture... d'abord interloquée je me mets à rire en même temps que lui tout aussi surpris de sa réponse. C'est plus tard dans la soirée que j'ai fait un lien le long de notre conversation, une fois que j'avais constaté que nous venions de passer plusieurs heures originales et riches à discuter par analogies sans vraiment suivre de fil conducteur. À la fin, alors que tout ce petit monde fut rentré chez lui, je me suis dit qu'on avait encore partagé un beau moment entre amis fidèles mais aussi que nos vies à présent d'adultes, nous poussaient à faire de nouvelles rencontres et qu'elles avaient un goût différent de celles que l'on faisait avant. Un peu plus construits par nos parcours privés ou professionnels, les échanges se font plus riches et plus intenses et bien que l'on continue à danser sur nos tubes d'ados, on a acquis une forme de distance car même si l'on est toujours capable de piquer un fou rire en imitant Joeystarr dans le clip de "Dans ma Benz", le fil rouge de nos vies s'étire, perpétuellement en expansion, sur lequel de nouveaux repères font leur apparition. Des repères dus à des rencontres et discussions accidentelles, des petits rouages porteurs de nouveaux questionnements, de nouvelles idées et quelque fois d'une certaine forme d'espoir. L'esprit réchauffé par cette sensation, je me dis alors qu'on n'a pas fini de rire et de danser, danser à perdre haleine pour finalement constater à la fin de cette dernière que tout ne fait toujours que commencer et ce, quelque soit le nombre d'années que l'on ait décidé de fêter. Pour conclure, je citerai une "punch line"de Greg qui restera dans nos mémoires : "Words don't come easy....c'est pas possible autrement, c'est des allemands qui ont écrit ces paroles..."

Comprenne qui pourra ce morceau en totale contradiction avec ce que je viens d'écrire...enfin je ne sais pas, peut-être...

 


01/11/2011

Ariane dans son bain ou "Y'a une comédienne dans ta baignoire?!"

Il y a quelques semaines de ça, notre petit groupe d'amis a reçu une invitation énigmatique: "Venez chez moi samedi à 18h avec un fromage, ne soyez pas en retard". Je fus évidemment en retard mais de façon correcte; je sonne donc à la porte avec un époisse dans la main. Immédiatement orientée vers la cuisine, je me retrouve avec les autres, tous aussi impatients et curieux de savoir la raison de cette invitation. Commence alors je le jeu des devinettes, on pense tous à une annonce importante comme " tu as adopté un nouveau chien ou tu pars vivre à l'étranger..." C'est alors qu'entre deux fous rires, une d'entre nous, grande fanatique de polars et habituée aux énigmes, s'écrie: "Ariane dans son bain!" Un ange passe... quoi? de quoi tu parles? L'initiatrice de la soirée sourie et acquiesce, "oui bravo c'est bien ça, comment t'as trouvé?" Mystère... S'ensuit donc l'explication. "Ariane dans son bain" est un spectacle à domicile, un concept mis en scène par Denis Maillefer où une comédienne vient chez vous et transforme votre salle de bain en scène de théâtre. Plongée dans un bain moussant éclairé par deux petites lumières qui paraissent presque magiques, l'excellente comédienne Aline Papin déroule un monologue de 35 minutes tiré de " Belle du Seigneur" d'Albert Cohen. Ariane se prépare à retrouver son amant le soir même et tout en se préparant se parle à elle même. Cet extrait de texte est savamment si bien choisi qu'avoir lu le roman ou non importe peu. Car il s'agit de ce moment d'attente, de réflexion et d’exaltation qui précède les retrouvailles amoureuses voire charnelles dans ce cas précis; un moment suspendu d'intimité intense, duquel assis devant cette baignoire, on se retrouve spectateur en se sentant presque intrusif; les mots prononcés posant des questions sur le désir et le rapport érotique face à son propre corps révélé par la relation. Le parti pris du jeu permet toutefois de relâcher cette sensation qui pourrait peut-être se révéler gênante; c'est en effet avec légèreté et humour que le texte nous parvient, et cette rupture de style par rapport au propos permet alors de maintenir une distance nécessaire, bien qu'en contradiction avec l'espace. C'est donc un très bon moment que nous avons passé tous les 7 dans cette salle de bain. Un moment où l'on oublie presque qu'il s'agit bel et bien de théâtre, malgré cette effet miroir de nos propres questionnements, grande force du texte de Cohen mais aussi grande force des histoires que l'on raconte, sur une scène, sur un écran où dans ce cas précis; dans une baignoire. Amener le théâtre chez les gens est aussi une très belle idée, il s'agit d'un cadre définit autrement que celui de la théâtralité conventionnelle -évidemment- mais ce concept permet aussi de recevoir ce que l'on nous donne différemment. Car l'effet miroir fonctionne au carré, on se voit dans le reflet de notre propre salle de bain interne si j'ose dire. À l'issu de la représentation, nous avons pu faire connaissance avec la comédienne devant un apéritif où le rôle des fromages prirent alors leur sens. Nous avons à nouveau partagé des rires, mais là il n'était plus question de scène, c'est la comédienne qui assistait à notre intimité dans une inversion des rôles assez joyeuse. Ce concept théâtral est donc une prise de risque très enrichissante car il s'agit d'une forme nouvelle d'expérience de partage artistique autour de mots écrits mais aussi improvisés dans lequel on se retrouve au final spectateur mais bel et bien aussi acteur.